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Encrée

17 avril 2009

Je n'ai pas besoin de chagrins d'amour ...

Je n'ai pas besoin de chagrins d'amour pour avoir le coeur brisé. Chaque instant je pleure en moi, chaque instant je déplore quelque chose, quelqu'un, tout.

Imaginez : un oiseau s'arrête de chanter. Est-il mort ? est-il tombé du nid comme je tombe du lit ? Sa tonalité s'échappe de mon oreille, j'imagine de grands drames et mon coeur se déchire.

Dans la rue, il faut marcher les yeux fermés. Sinon, je risque de tomber nez à nez avec les gendarmes rouges et noirs du printemps, écrabouillés sur le trottoir. Je dois alors slalomer entre les cadavres et les rares survivants qui pleurent leurs morts ; et mon coeur saigne.

Il faut marcher aussi avec de la musique dans les oreilles, pour éviter les bruits des voitures, qui vont vraiment trop vite. "Un jour, cette clio rouge tuera quelqu'un"... Et je suis effondrée. Mais parfois les piles me lâchent "on ne t'aime plus, t'es chiante", disent-elles tout à coup, et les oiseaux recommencent à chanter pour moi, puis à s'arrêter. Je m'effondre sur le goudron puant en sanglotant.

Marcher les oreilles et les yeux fermés, c'est dangereux. Mais cela permet d'éviter les tragédies.

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16 avril 2009

Le piano gémit

Mes doigts courent sur le clavier, comme des araignés folles qui tisseraient leur toile sur les touches vernies. Noir. Blanc. Les bestioles caressent et mordent les notes. Je crée avec elles tout une vie. Une vie de misère, d'amertume, de tristesse. La mélancolie d'un piano qui pleure.

Je m'enfuis, loin du Monde sérieux, loin des Hommes terribles, loin des Choses qui m'emprisonnent. Je pénètre dans un lieu confiné, étrange et beau - un jardin envahit de ronces et de péchés anciens. La mélodie me porte, m'assaille de tout côté, me perce jusqu'aux os. Jusqu'à mes entrailles qui déversent leur sang sur la musique sombre. Le rouge se mêlent aux nuances de gris.

Les octaves gémissent, les petites cloches des aigus résonnent, amplifiées dans mon cerveau encombré. Mes mains tombent au hasard sur l'instrument, lui arranchant des plaintes  tranchantes ; parfois la douceur d'un accord grave vient rassurer le Monstre - mon enfant. Tout ce qu'il y a en moi rejaillit dans la musique tortueuse et torturée. Des sanglots sortent de la carcasse noire, je ne fais qu'un avec le piano. Il souffre comme je souffre ; inanimé, il devient Homme grâce à moi. A cause de moi. Loin de m'en remercier, il voit la Vie comme elle l'est : vaine. Alors il hurle, un rugissement extraordinaire de haine, qui me griffe, qui m'empale le cœur, qui me grignotte de l'intérieur.

Les mains tremblantes. « Arrête ! » Le piano a trop mal. Il se cabre sous mes doigts, s'enfuit pour échapper à mon déisir de vengeance. « Arrête ! » Encore et encore. Mais je ne veux pas arrêter ! La mélodie m'envoute, c'est le cri de mon âme, tu n'entends pas ? «  Je ne veux pas ! ». Je continue, continue, continue … « Non ! » Tu ne peux rien contre moi … Tu es seulement parce que je suis !
Mais soudain, je ne supporte plus le mal que je lui inflige. La perversité qui m'envahit m'effraie plus que toute la douleur du Monde. Alors je soulève mes poignets, écoute le son qui meurt doucement, et ferme le couvercle de la Bête.

Chancelante.

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15 avril 2009

Eloïse

La petite fille serra sa poupée contre sa poitrine. La dentelle blanche de son chemisier caressait ses cheveux de laine. Les réunions de famille l'ennuyaient, l'exaspéraient, l'agaçaient au plus haut point. Elle était la seule petite fille, elle se sentait seule, et les plats élaborés, quelle horreur ! Même quand on pensait à elle avec un plat de pâtes ou de frites, elle se sentait lésée. La pauvre, pauvre, pauvre petite.

« Oh, mais c'est la petite Jeanne ! Comme tu as grandi ... »

Les vieux l'embrassaient toujours sur les deux joues, smatch, smatch, deux baisers mouillés. Elle s'essuyait tout de suite après, discrètement, avec sa manche.

« Vous n'embrassez pas  ma poupée ? » disait-elle parfois.

« C'est vrai qu'elle est mignonne ! » répondait certains.

Ou encore : « Je ne l'avais pas vu ! »

Mais peu se baissaient pour embrasser le tissus de son visage. La poupée souffrait ! Pourquoi personne ne me voit ? Pourquoi ne suis-je qu'un jeu ?

« Mais tu es devenu trèèès grande, dis moi ! lui lança gentiment une femme entre deux âges, blonde, tailleur bleu marine et chemise rose.

- Vous n'embrassez pas ma poupée ?

- Oh, si, bien sûr, suis-je bête ! Salut, toi, comment s'appelle-t-elle ?

- Eloïse.

- Quel joli nom ! »

La femme se baissa, doucement, au milieu du brouhaha de la famille qui se retrouve. Elle tapota la tête de la poupée, puis l'embrassa.

La poupée, surprise, ouvrit les yeux. On lui parlait, enfin ! Pas trop tôt ! On me voit, se répétait-elle tout heureuse.

Le dîner s'écoula, et Eloïse fut déposée dans un coin :

« Jeanne, on ne mange pas avec une poupée ! »

De là où elle était assise, Eloïse entendait presque toute les conversations. A un moment, la dame en tailleur bleu parla avec la maman de la petite fille :

« Ne croyait-vous pas que Jeanne devrait se détacher de sa poupée ? Elle est grande, maintenant !

- Oh, elle n'a que neuf ans … Et puis, toutes les petites filles aiment leur poupée !

- Vous devriez quand même consulter. »

Oh ! Eloïse était outrée.

L'heure du départ sonna, ding ding ding ding ding, à la petite horloge du salon.La dame en tailleur bleue dit au revoir à Jeanne, et s'écria :

« Cette fois-ci, je n'oublie pas la poupée ! »

Elle se baissa, et se releva en criant :

« Elle m'a mordue ! »

Surprise de la famille : Jeanne ? Horreur de la mère : Jeanne !

« Non, pas Jeanne, sa poupée ! »

Tout le monde soupira de soulagement, puis éclata de rire : une poupée, mordre ?

Regardez, belle-maman : sa bouche est dessinée !

Et les rires repartirent de plus belle.

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14 avril 2009

Je me débrouillerai seule

Maman. Ecoute moi. Tu m'entends ? TU M'ENTENDS ?

« Hhhm ? »

Bien sûr, chérie. Résonne, résonne, résonne dans mes oreilles « Bien sur. » Chérie ? J'ai crié, hurlé, sauté, devant tes yeux. Tes yeux clos, tes yeux de mère fatiguée. Tes yeux qui me disaient jour et nuit « Assassine, assassine moi ! » Tes cils perlés, sans cesse, tes larmes et c'est tout.

A force de ne plus être regardée j'ai craqué. A force d'entendre ses supplications : « Tue moi, tue moi. »

Au moins, je devais lui donner l'autorisation : « Maman, tu peux mourir. Ne reste pas pour moi. Tes cils ronds d'eau salé, trop dur à supporter. Il vaut mieux que tu partes. »

Alors j'ai secoué ma mère, un après-midi en rentrant du lycée. « Maman ? Ecoute-moi. Tu m'entends. » Elle a ouvert un oeil, puis l'autre : qu'y a-t-il ? « Tu peux t'en aller maman. Je me débrouillerai seule. »

« Qu'est-ce que tu racontes ? » L'air faussement égaré derrière ses cernes.

Mais j'ai vu qu'elle avait compris. D'accord, merci, merci mille fois, disaient ses traits dépressifs. Je tournai les talons, demi tour sur mes chaussures vernies, après lui avoir embrassé le front, doucement.

Tout doucement la porte, aussi.

Je m'allongeai dans un parc, j'attendis deux heures. « Ce devrait être bon. » Le chemin inverse, les larmes sur mes joues – c'est mon tour, maman, de regretter ! – les escaliers lentement. Lentement, même le bois grinçait au ralenti. Une chanson funèbre, pour moi, pour ma mère et pour ses tristesses d'enfants. On lui a trop répété « Tu comprendras quand tu seras grande ». Mais elle n'a toujours pas compris ; et elle est grande, bientôt elle ne sera plus jeune et puis même vieille. Mes entrailles vont exploser ! Mon estomac, tout, tout mon contenu va se déverser sur le palier.

J'entre dans l'appartement. Le salon, le lustre : deux pieds flottent devant mes yeux.

Photo_029

14 avril 2009

Bonjour !

J'écris, pour mon plaisir, sans me prendre la tête, et sans vraiment réfléchir.

J'écris pour faire lire mes mots et pour - je l'espère - les faire aimer.

Merci de venir voir !

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(Les photos sont toujours de moi. Elles sont sans prétention mais je n'aime pas voler celles de Google image !)

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